Forêt jouxtant le château de Marles

Ohhhhhhh que ça sentait bon !
Jehanne salivait avant même que la bête ne soit cuite, et elle ne résista pas longtemps, la faim lui tortillait les boyaux.

Du lapinou saignant, ça devrait le faire !

Trop pressée de dévorer la bête, elle décrocha sa brochette qu'elle amena à sa bouche pour y planter ses crocs quand son met fumant lui fit faux bond d'un coup !
Oh punaise... l'était encore vivant ou quoi ?!?!
Mais quand elle leva les yeux, elle vit sa pitance agrafer à un arbre à l'aide d'une flèche.
Mazette !!! Y'avait'y un robin in the wood dans l'coin ?!?!
Le malotru lui avait néanmoins ôter son Jeannot de la bouche, et ça... c'était risqué !
Discrètement, la soldate attrapa son poignard, mais elle n'eut point le temps de faire le moindre mouvement qu'on la sommait de rendre les armes... et avec un Robin in the wood dans l'dos, là, c'est elle qui risquait gros.
La voix de la sagesse... et si ça lui arrivait de temps à autre de l'entendre... lui fit rendre son arme et elle se leva doucement, serrant les fesses de peur que celui qui avait tué son lièvre une deuxième fois ne s'en prenne à elle. Tout en se tournant, Jehanne tenta d'apaiser le Sire.

Attendez Sire, ce n'est pas c'que vous croyez !!! Semer le doute dans l'esprit de son adversaire, une technique comme une autre pour gagner du temps.
Je vais tout vous expliquer, mais ne tirez pas !!! ça aussi ça faisait bien ! Qui serait assez fou pour tuer quelqu'un qui peut répondre à vos questions !

L'individu lui fit face. Ah ! Satané frondaison. De par l'ombre projetée, Liptis ne pouvait distinguer clairement le visage de son braconnier.

Et voilà qu'il s'adressait à lui.

Attendez Sire, ce n'est pas c'que vous croyez !!!
Ben voyons ! Je le prends sur le fait et il s'agit d'autre chose ? Il ne manquait pas de toupet celui-là maugréa-t-il.

Je vais tout vous expliquer, mais ne tirez pas !!!
ça, Liptis y comptait bien. Il était certain que les explications ne lui plairaient pas du tout. Tout en se méfiant de l'individu, il ne cessait de songer où il pourrait l'enfermer et lui faire passer le goût du braconnage... En tout cas sur ses terres. Peut être la cave. Un petit sourire mauvais se fit jour à cette idée.

Puis, il réalisa quelque chose, au sujet de son vis-à-vis. La voix lui paraissait bien étrange. Se pouvait-il qu'il s'agisse d'un jeune garçon ou alors, d'une femme ?

Après l'avoir jauger, Liptis sortit de derrière le bosquet. Si vous me promettez de ne rien tenter contre moi ou de tenter de vous enfuir, je ne vous ferais rien et vous laisserai la vie sauve. Pour montrer sa bonne foi, l'archer détendit son arc mais y laissa la flèche en position... au cas ou !

Avancez-vous donc un peu que je puisse voir votre visage à la lumière. Et dites moi ce que vous faites là. Si ce n'est pas du braconnage, que faisiez-vous ? Et d'où venez-vous ?

Liptis s'était encore un peu avancer mais restait aux aguets. On ne sait jamais avec ces oiseaux là. Ils peuvent vous sauter dessus en un rien de temps et un mauvais coup est bien vite arrivé.

Liptis regarda la jeune personne devant lui.

En fait Sire... J'me suis perdue !
Deux jours que je tournicote dans cette forêt... sans manger... sans dormir...
Je suis épuisée !!!

Le jeune homme compatit légèrement ; c'est vrai que cette forêt semblait dense et que de s'y perdre apparaissait facile. Lui-même devrait s'initier à ses secrets pour éviter d'errer comme son vis-à-vis.
Il allait ranger son arme lorsque...

Sire... je me sens si mal...

Elle semblait tomber au ralentit vers le sol. Lâchant son arc, Liptis se précipita en avant mais ne put arriver à temps.

Allons bon.... maugréa-t-il. Usant de précaution pour la retourner, il trouva très agréable le joli minois qui se présentait devant lui. Mais ! Qu'était-ce que ce rictus qui s'affichait soudain sur les lèvres. C'est alors qu'il sentit comme un picotement au niveau du ventre. Et oui... Il s'était fait avoir comme un débutant. Au moindre faux mouvement de sa part, la dague s'enfoncerait plus profondément en sa personne, ce qui n'avait rien de bien réjouissant.

Vous ne semblez guère d'humeur à ce que je vous fasse une cour quelconque n'est-ce pas ? essaya d'ironiser Liptis devant cette situation.

Ils se relevèrent lentement, Liptis ne cessant de surveiller le visage de son adversaire.

Que comptez-vous faire de moi maintenant ? Vous savez, je ne suis que l'intendant de ce domaine. Mon maître, le seigneur de Marles, risque de ne guère apprécier que vous vous en preniez aux gens de sa maison...

Liptis rit lorsqu'il entendit la jeune femme le questionner sur ce qu'elle était susceptible de manger. La regardant encore un instant, il se remit sur ses jambes et... Il hésitait à lui tendre la main pour l'aider à se relever. N'allait-elle point en profiter ?

Bah ! Après tout... se dit Liptis. Et c'est avec un grand sourire qu'il lui tendit la main. La demoiselle s'en saisit et se retrouva prestement debout elle aussi.

La laissant se défaire des diverses feilles et morceaux de terres collés à son vêtement, Liptis ramassa la dague et la rendit à sa propriétaire.

Etait-ce cette jeune femme qui lui faisait faire des gestes imprudents ? Il n'aurait su le dire. Peut être, après tout !

Le feu, mourrant, ne fut guère difficile à éteindre d'un mouvement de botte. Soudain, une petite poussette dans le dos lui donna une sueur froide mais ce n'était que son canasson qui venait réclamer son du. Après quelques caresses que l'animal sembla apprécier, Liptis monta maladroitement en selle. Une fois installé, le cavalier un soupir d'aise. A chaque fois qu'il devait effectuer cette épreuve, il ne pouvait s'empêcher de ronchonner un peu.

Cependant, un petit sourire apparu sur son visage crotté. Il regarda la jeune femme comme pour lui faire comprendre qu'il pouvait fort bien la laisser marcher jusqu'au château.

Que pouvait-il bien se passer dans cette jolie tête ? se demanda Liptis. Il fit bouger son cheval de quelques pas, la regarda de nouveau - toujours avec ce petit sourire en coin - puis revint lentement vers elle.

Je peux peut-être vous prendre en selle avec moi, qu'en pensez-vous ? Et, sur ces mots, il tendit la main afin d'aider la belle inconnue à grimper... si elle le jugeait utile.

Commençant à s'éloigner, Liptis fit faire subitement demi-tour à l'animal ; il le dirigea droit vers le lapin, toujours accroché à l'arbre. Se tournant vers la jeune femme il lui dit, avec un petit sourire...

Ce serait dommage de se laisser brouiller de la bonne nourriture. Je suis certain que la cuisinière saura en faire quelque chose.

Décrochant la bestiole, il ajouta... Tenez, vous avez bien mérité de le porter. Puis, il fit avancer le canasson... pas trop vite non plus. Après avoir échappé à la chasseresse, il ne tenait pas à se rompre le coup. Déjà peu à l'aise seul, il l'était encore moins accompagné. Heureusement que la belle demoiselle le tenait... Finalement, elle lui permettait d'avoir une meilleure assise.

L'équipage sortit enfin de la forêt. Liptis fut ravi de retrouver le chemin qui menait au château. Sa passagère ne semblait guère bavarde. Il espérait qu'elle n'aurait pas fait un sort au pauvre lapin sinon La Marie devrait leur trouver autre chose à manger. C'est alors qu'il réalisa qu'il n'avait aucune idée du nom de la jeune femme.

Tournant légèrement la tête, il demanda...

Si je puis me permettre, je ne crois pas avoir connaissance de votre nom, ni de votre origine. Serait-ce indiscret de ma part de vous le demander ?

Après, si elle ne voulait pas lui répondre... Bah, il verrait bien. Il gloussa légèrement en imaginant sa mère, toujours à guetter ce qui se passait dans les environs du château, en le voyant en pareil équipage et aussi sale qu'un goret.

Jehanne s'agrippait au Sire comme la pauvreté sur le monde, sentant que celui ci ne devait guère être un fin cavalier... et quitte à tomber à terre, autant le faire avec lui...
Puis le voyant faire demi-tour après être parti dans une direction, elle se dit que le pauvre Sire avait tout pour plaire si en plus il n'avait aucun sens de l'orientation !
Mais elle se rassura bien vite quand il décrocha son lapin de l'arbre. Ce devait être une déformation professionnelle, un intendant ne devait certainement pas aimer voir gâcher la nourriture, y'a pas d'petites économies !
Quel supplice de tenir cette bête qui aurait normalement dû être au fin fond de son estomac à l'heure qu'il est !!!
Jehanne essayait de penser à autre chose pour éviter de croquer dedans, quand l'intendant lui demanda qui elle était.

Regardez devant vous, Sire !!!
C'est pas pour dire, mais j'ai assez fait de galipettes pour la journée !
Je suis Jehanne, Dame de compagnie de la Vicomtesse Ombeline et je demeure au domaines d'Ytres quand je ne suis pas en pleine mer, car je suis aussi quartier-maître au fort de Calais et je pars souvent à bord du Quenenny à la conquête de nouveaux horizons.

Oh ben là, ça en jetait comme curriculum vitae !
L'intendant allait regretter d'avoir osé s'attaquer à elle, sûre qu'elle aurait ses plus plates excuses, parce que Dame de compagnie d'une Vicomtesse et Capitaine de navire, c'était certainement bien mieux que de compter les pommes de terre chez un nobliau quelconque ! Elle l'entendait déjà glousser de frayeur ! Bien fait, na !!!

Cahin-caha, l'étrange équipage progressait vers le château de Marles. Liptis sentait bien sa passagère s'agripper à lui comme si sa vie en dépendait. Ce n'était pas pour lui déplaire.

Liptis se concentra bien vite sur le chemin ; c'est alors qu'elle débita sa titulature avec force et conviction, avec une fierté non dissimulée dans la voix comme pour bien asséner toute l'importance qu'elle pouvait irradier.

Je suis Jehanne, Dame de compagnie de la Vicomtesse Ombeline et je demeure au domaines d'Ytres quand je ne suis pas en pleine mer, car je suis aussi quartier-maître au fort de Calais et je pars souvent à bord du Quenenny à la conquête de nouveaux horizons.

Liptis, un instant distrait, réagit à un mot. Avait-il bien entendu ? Il fit s'arrêter le cheval ou plutôt lui fit faire un brusque arrêt. Si brusque et si imprévu que l'animal fit un écart qui menaça d'envoyer à terre les deux cavaliers. Liptis tangua dangereusement sur sa selle et sa passagère réussit tant bien que mal à les maintenir en équilibre tout en proférant nombres de paroles peu engageantes envers le cavalier.

Faisant fi de ces reproches, et une fois rétabli, Liptis se tourna pour faire face à Jehanne qui le foudroya du regard.

Vous êtes quoi ? demanda Liptis fort surpris de ce qu'il venait d'entendre et ouvrant grand les yeux.
Vous connaissez la vicomtesse ? Ah ben ça, c'est la meilleure !

Comment Ombeline pouvait-elle avoir, dans son entourage une telle personne ? Non qu'elle soit laide... loin de là mais son caractère n'avait pas l'air facile. Après, la vicomtesse et son loupiaud n'étaient pas facile non plus.

Il allait le lui dire lorsqu'il se souvint, à temps, qu'il s'était présenté comme un intendant. Comment un tel homme aurait-il pu connaitre une vicomtesse ? Autant attendre d'être au domaine et voir sa réaction. A n'en pas douter, celle-ci ne manquerait pas de piquants.

La jeune femme lui fit comprendre qu'elle souhaitait arriver à demeure un un seul morceau et le maladroit cavalier reprit donc une posture plus digne et plus confortable. Le reste du trajet se déroula sans plus de soucis.

Vers l'entrée du château de Marles